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15 février 2008 5 15 /02 /février /2008 15:28

Photo Corinne Pescadou

Trop, c’est trop……. l'inauguration solennelle du plan lumière au Pont Neuf n'avait rien à voir avec la mise en valeur du patrimoine architectural de la 4ème ville de France, mais se rapprochait  plus de la mise en lumière d' "Eurodisney"  pendant la période de Noël. 

Jugez par vous-même : un pont dont chaque arche clignote successivement en bleu, rouge, violet, vert..... Derrière celui-ci, le pont Garigliano surligné en vert fluo, et de l'autre coté, summum du mauvais goût, le clocher des Jacobins planté comme un sapin de Noël affublé d'un programme lumineux clignotant des plus grotesques.

Au milieu de ce spectacle, une fanfare ; on pouvait facilement s'imaginer assister à la Mickey Parade.

 Nous avions déjà le château de la Belle au bois Dormant avec l'éclairage du Musée des Augustins, qu'en sera t-il du prochain monument classé, grimé de la sorte ?

Ce maquillage vulgaire prend le pas sur la beauté architecturale, et ne respecte pas l'œuvre bâtie.

A titre comparatif, il serait tout aussi scandaleux d’éclairer un tableau de Monet, par exemple, d’une lumière rouge uniforme ou pire clignotante. L’effet reste le même.

Il parait à peine croyable, qu'après concours et appel d'offre, on ait pu choisir un professionnel spécialiste de plan lumière capable d'un tel désastre. Il s'est comporté comme un enfant auquel on a confié un cahier de coloriage, et qui a largement débordé, dans l'ignorance flagrante de l'intérêt architectural de tel ou tel bâtiment, et en laissant même dans la pénombre les parties essentielles de ceux-ci. C'est digne d'éclairagistes amateurs, eux-mêmes non éclairés.

 En la matière, la couleur est extrêmement difficile à composer et seul quelques rares spécialistes peuvent être consultés. Ils utilisent une technique totalement différente permettant de mettre en valeur le bâtiment, mais celle-ci est beaucoup plus onéreuse.  Mais où est donc passé l’Architecte des Bâtiments de France, lui si rigoureux avec les particuliers ?

 Rien ne s’improvise, l’éclairage est un art et doit rester entre les mains de professionnels pour éviter de tels excès. On est loin de la mise en lumière sobre et distinguée de la Cour Carré  du Louvre, ou même plus rock'n roll de la tour Eiffel.

 A contrario la perspective d'un éclairage festif est justifié dans le cadre d'une manifestation ponctuelle telle que le Printemps de septembre, par exemple ( manifestation  contemporaine, digne de ce nom, de renommée internationale, de qualité, masquant un peu le vide culturel par ailleurs.) 

Le style « Eurodisneysien » serait-il candidat pour acquérir le label de Capitale européenne de la culture en 2013 ? Je ne le pense pas.  Dans cette candidature serons nous sauvés par l’architecture ?

 Notre ville ne présente aucune audace architecturale contemporaine, et à cet effet,  semble figée depuis le 18 ième, voire le 16 ème siècle.  Depuis, c’est la grande décadence, la cité se pare de frontons, de colonnades, de décors de théâtre neo-quelque chose. A un point tel, que l’on arrive à faire croire à la population toulousaine, que des fontaines abâtardies imitation 18 ou 19 ieme siècle  en fibre de verre sont le summum de l’art.

 En faisant sans cesse appel au passé et au neo classique,la situation est confortable, pour les élus, car elle ne bouscule pas une population, qui, il faut se le rappeler accède aux bulletins de vote.

 Citons Marcel DUCHAMP: « Le grand public recherche aujourd’hui  des satisfactions esthétiques enveloppées dans un jeu de valeurs matérielles et spéculatives, ce qui entraîne la production artistique vers une dilution massive.  Cette dilution massive perdant en qualité ce quelle gagne en quantité, s’accompagne d’un nivellement par le bas du goût présent, et aura pour conséquence immédiate, un brouillard de médiocrité sur un avenir prochain. Pour conclure, j’espère que cette médiocrité conditionnée par trop de facteurs étrangers à l’art en soi, amènera une révolution d’ordre ascétique cette fois, dont le grand public ne sera même pas conscient, et que seuls quelques initiés développeront en marge d’un monde aveuglé par le feu d’artifices économiques. »

 Ouf…quelle leçon encore valable de nos jours. Entre le  mauvais Théâtre de rue, le macramé et le djembé, il reste un grand espace à développer dans l’intérêt culturel du public en laissant derrière quelques  idéologies ringardes. Il serait nécessaire que les décisionnaires frileux s'attachent des conseillers qualifiés dont ils écoutent les avis, et ne décident pas en pseudo savants.

On ne gagne rien à vouloir organiser la médiocrité, elle s’insinue d’elle même. A cet effet on peut citer  une phrase d'un grand artiste qui a marqué son temps: " L'art et l'esthétique, c'est comme le chinois, ça s'apprend". La situation est grave. Il n’y a plus de dialogue entre le temps et l’histoire, il y a disparition du patrimoine..

 Notre nouveau ministre de la culture, Christine Albanel, toulousaine de surcroît, écrivait dans un journal il y a quelques jours :  « La beauté d’une ville est faite du dialogue entre les créations architecturales successives, qui se nourrit de l’audace de formalismes sans cesse renouvelés, et non de pastiches nostalgiques. »

Cette phrase devrait être écrite sur le frontispice des Mairies, ainsi que dans le bureau de tous nos promoteurs.  Il suffit de visiter à Toulouse les lieux « prestigieux » nouvellement bâtis au cours de ce demi-siècle :  Les quartiers Saint-Georges- Compans Caffarelli- Le Bazacle- Larrey-… jusqu'à l'imposant Conseil général, au médiocre Conseil régional, et au riquiqui  pont Saint-Pierre néo napoléon III.

 Je ne pense pas qu’en 2050 le syndicat d’initiative y organise des visites guidées.  Toulouse rate son futur.

Il faut ouvrir de grands chantiers, sans arrières pensées politiciennes, et intérêts électoraux sous jacents. Pour réaliser des projets ambitieux qui marqueront leur temps, il faut cesser le saupoudrage financier, et se  donner les moyens nécessaires pour se concentrer sur des projets dignes de notre siècle. Il ne faudrait pas poursuivre une politique de morcellement des sites libérés, dans un objectif électoraliste, au détriment de l’intégrité du bâtiment, le vidant de son sens.  A titre d’exemple on peut citer :  Le projet du Grand Hôtel – la maison de l’Occitanie – Job – etc…..

 Souhaitons que le chantier de la Grave sauve Toulouse de la faillite culturelle, si nos décideurs s’en donnent la volonté. Il ne faudra pas « miter » ce site par de petites activités disparates.

 Que notre cité se tourne enfin vers le 21 ieme siècle.

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commentaires

T
Bonjour,Je suis heureux de vous annoncer avoir présenté dans la rubrique "revue du Web" votre article sur les illuminations du pont neuf.Lancé le 18 janvier 2008, http://www.toulouse7.com propose une autre actualité toulousaine.Je souhaiterais recevoir vos informations et communiqués de pressepour http://www.toulouse7.com et http://www.viatolosa.net cordialement,Christophe Cavaillès
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P
Merci. Je me sens moins seul à penser que l'esthétique des éclairages est discutable: http://www.toulousoscopie.org/article-14084495.html
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